Un « texte fantôme » pour prolonger Tshisekedi ? La Loi Kazadi-Tshilumbayi secoue la scène politique en RDC

Alors que le climat politique congolais reste marqué par les incertitudes sécuritaires et les tensions politiques, une étrange rumeur s’est glissée au cœur des débats institutionnels. Un texte non officiel, attribué aux députés Peter Kazadi et Jean-Claude Tshilumbayi, aurait pour ambition de prolonger le mandat du président Félix Tshisekedi.

Baptisée “Loi Kazadi-Tshilumbayi”, cette proposition, dont personne ne revendique la paternité, enflamme les réseaux sociaux… et embarrasse la majorité.

Un texte fantôme

Il n’existe ni publication officielle, ni annonce formelle, ni trace au Journal officiel. Et pourtant, la proposition de loi n°2025/001 fait parler d’elle. D’abord relayé sous forme de bribes sur les réseaux sociaux, le texte aurait, selon ses détracteurs, pour objectif de modifier temporairement la Constitution afin de permettre au président Tshisekedi de rester au pouvoir en cas de « menace grave contre l’intégrité du territoire national ». Une référence à peine voilée à la persistance des conflits dans l’Est du pays, notamment avec les rebelles du M23 soutenus par le Rwanda.

Dès la première fuite, le tollé est immédiat. Dans l’opposition, certains y voient une manœuvre à peine déguisée pour instaurer un glissement institutionnel. Olivier Kamitatu, bras droit de Moïse Katumbi, dénonce une « tentative de coup d’État légal ». Dans les tribunes, les mots sont forts : « farce sinistre », « manipulation grossière », « prémices d’une dérive autoritaire ».

Démenti en séance

Le 11 avril 2025, l’un des principaux intéressés sort enfin du silence. Depuis la tribune de l’Assemblée nationale, Peter Kazadi, ancien vice-Premier ministre de l’Intérieur, se défend. « Je découvre cette histoire comme vous tous, sur les réseaux sociaux », affirme-t-il. Il assure n’avoir jamais initié un tel projet, ni de près ni de loin. Jean-Claude Tshilumbayi, premier vice-président de l’Assemblée et lui aussi cité comme coauteur du texte, garde quant à lui le silence.

Peter Kazadi évoque une « campagne de manipulation » orchestrée, selon lui, par des adversaires politiques déterminés à « nuire à l’image du régime ». Les accusations sont rejetées en bloc, mais le mal est fait : dans l’opinion, le doute subsiste.

La mécanique du soupçon

Car ce n’est pas la première fois que la RDC est confrontée à une telle situation. Le pays a déjà connu des épisodes similaires, de la très controversée tentative de révision de la Constitution sous Joseph Kabila aux débats enfiévrés sur la « congolité » des candidats à la présidentielle. À chaque fois, les mêmes ingrédients : un texte sensible, un flou institutionnel, une mobilisation de la rue numérique… et une majorité souvent prise de court.

Dans ce climat de méfiance généralisée, la simple évocation d’un projet de modification constitutionnelle suffit à embraser la toile. « Le pouvoir doit faire preuve d’une transparence absolue s’il veut éviter que la rumeur ne fasse la loi », analyse un chercheur congolais. « Le silence ou les démentis tardifs ne font qu’alimenter le soupçon. »

Une démocratie sous pression

Plus qu’un simple feuilleton parlementaire, la « Loi Kazadi-Tshilumbayi » révèle les tensions structurelles d’un système politique congolais en quête de stabilité. Alors que les prochaines échéances électorales sont pour 2028, le débat autour de la révision constitutionnelle – réel ou fantasmé – pose la question de la maturité démocratique des institutions.

Si une telle loi devait un jour être déposée, son adoption passerait par un chemin semé d’embûches : majorité qualifiée au Parlement, validation du Sénat, et potentiellement un référendum populaire. Autant de verrous institutionnels… mais aussi politiques.

En attendant, l’épisode Kazadi-Tshilumbayi restera, au mieux, un symptôme de la fébrilité du pouvoir, au pire, un ballon d’essai maladroit. Mais dans tous les cas, il rappelle une réalité congolaise persistante : dans un pays où l’information circule plus vite que la transparence, la démocratie reste en permanence sous tension.

 

La Rédaction

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