Le 20 février 2025, la ville de Lubumbashi chef-lieu du Haut-Katanga, a accueilli un événement d’envergure : le lancement officiel par la Conférence Épiscopale Nationale du Congo (CENCO) et l’Église du Christ au Congo (ECC) d’une vaste campagne de mobilisation en faveur du « Pacte social pour la paix et le bien-vivre ensemble en RDC ».
Face aux crises sécuritaires et humanitaires persistantes, notamment dans l’Est du pays, cette initiative vise à fédérer les Congolais autour d’un objectif commun : restaurer une paix durable et renforcer la cohésion sociale.
Un contexte de crise qui appelle une réponse collective
Depuis des décennies, la RDC est en proie à des conflits armés, particulièrement dans ses provinces orientales, où des groupes rebelles locaux et étrangers, parfois soutenus par des puissances extérieures, sèment la terreur. Cette instabilité a causé des millions de déplacés internes, des pertes humaines incalculables et une crise humanitaire alarmante. S’y ajoutent des tensions politiques internes et des rivalités régionales dans la sous-région des Grands Lacs, rendant les efforts de stabilisation encore plus complexes.
Face aux limites des solutions militaires et diplomatiques traditionnelles, la CENCO et l’ECC, figures centrales de la société civile congolaise, ont décidé de proposer une approche alternative. Lancé à Kinshasa le 15 janvier 2025, le « Pacte social pour la paix et le bien-vivre ensemble » repose sur une vision socio-spirituelle inspirée des valeurs africaines de Bumuntu – un concept prônant l’humanité, la fraternité et la solidarité. Ce pacte ambitionne d’impliquer tous les Congolais et les acteurs régionaux dans un dialogue inclusif pour bâtir des solutions durables.
Ce jeudi 20 février, un culte œcuménique s’est tenu à la cathédrale Saints Pierre et Paul, réunissant responsables religieux, fidèles, leaders communautaires et acteurs de la société civile. Lors de son allocution, Monseigneur Donatien Nshole, secrétaire général de la CENCO, a dressé un constat sans appel.
« Notre pays est meurtri par des conflits interminables. Des familles sont brisées, des villages réduits en cendres, et l’espoir semble s’éteindre. Pourtant, la paix est possible si nous nous unissons autour de ce pacte social », a-t-il lancé.
Insistant sur la nécessité d’une mobilisation massive, il a souligné que la réussite de cette initiative dépendait de l’engagement collectif, au-delà des clivages ethniques, politiques et religieux.
Les objectifs de la campagne
Cette campagne de mobilisation repose sur plusieurs axes stratégiques :
Primo: Sensibiliser la population aux cinq principes fondamentaux du pacte à savoir :
• Réaffirmer les valeurs du Bumuntu ;
• Privilégier le dialogue sous l’arbre à palabres ;
• Construire l’unité dans la diversité ;
• Exercer une pression citoyenne sur les dirigeants pour faire taire les armes ;
• Interpeller la communauté internationale pour un soutien sincère et efficace.
Secundo: Encourager une adhésion massive au pacte à travers un engagement formel des citoyens, notamment via des formulaires disponibles sur le site officiel www.pactesocialpaixrdc.org.
L’objectif est d’en faire un mouvement populaire porté par l’ensemble de la population congolaise, et non seulement par les élites religieuses et politiques.
Tertio: Préparer les prochaines étapes, avec notamment :
• La mise en place de commissions thématiques ;
• Un forum national réunissant diverses parties prenantes ;
• Une conférence internationale pour la paix dans la région des Grands Lacs.
Une initiative qui divise
L’initiative de la CENCO et de l’ECC a reçu un accueil favorable de plusieurs figures influentes, notamment le prix Nobel de la paix Denis Mukwege et l’opposant Moïse Katumbi, qui y voient une chance de sortir de l’impasse actuelle.
Toutefois, elle suscite des réserves, notamment au sein du parti au pouvoir, l’UDPS. Certains responsables politiques expriment des craintes : un dialogue trop large pourrait, selon eux, offrir une légitimité à des groupes armés comme le M23, accusé d’être soutenu par le Rwanda. D’autres estiment que cette approche risque de détourner l’attention des efforts militaires actuellement en cours pour sécuriser les zones en conflit.
Face à ces critiques, les leaders religieux réaffirment que leur démarche ne vise pas à se substituer aux actions de l’État, mais à les compléter. Le révérend Éric Nsenga, porte-parole de l’ECC, a tenu à préciser : «La solution ne peut pas être uniquement militaire. Elle doit aussi être humaine et spirituelle. »
Le lancement de cette campagne à Lubumbashi marque une étape clé dans la mise en œuvre du Pacte social. Après Kinshasa, Goma, Kigali et Bruxelles, où des consultations ont déjà eu lieu, la CENCO et l’ECC comptent poursuivre la mobilisation dans d’autres villes du pays et auprès de la diaspora.
Alors que la RDC continue de traverser des épreuves majeures, cette initiative des Églises apparaît comme une lueur d’espoir. La grande interrogation demeure : saura-t-elle surmonter les divisions et rassembler les énergies nécessaires pour transformer cet idéal en réalité ? Waid and see !
La Rédaction