Sous la médiation du Qatar, des pourparlers inédits s’ouvrent ce 9 avril entre le gouvernement congolais et la rébellion du M23. Une initiative qui pourrait rebattre les cartes dans un conflit miné par les rivalités régionales.
Le rendez-vous est discret, mais hautement symbolique. À Doha, capitale du Qatar, s’ouvrent ce mardi 9 avril des discussions directes entre les autorités de Kinshasa et les représentants du M23, rébellion armée active dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC). C’est la première fois que les deux parties acceptent de se parler face à face, loin des caméras, dans une médiation orchestrée par l’émirat du Golfe, désormais familier des arbitrages internationaux.
Ce tournant diplomatique intervient après des mois d’intensification des combats dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu. Depuis le début de l’année, les rebelles du M23 ont renforcé leur emprise territoriale, jusqu’à encercler les villes stratégiques de Goma et Bukavu, provoquant une crise humanitaire d’ampleur. Kinshasa, de son côté, continue d’accuser Kigali de soutenir activement les insurgés – une position également partagée par plusieurs rapports onusiens. Le Rwanda, lui, lui-même attrapé la main dans le sac, nie tout en bloc.
Doha, nouveau terrain de paix
Le Qatar n’est pas un acteur anodin dans cette équation. Le 18 mars dernier, l’émir Tamim ben Hamad Al Thani avait déjà réussi à réunir, à Doha, les présidents Félix Tshisekedi et Paul Kagame pour une rencontre surprise. Si l’appel au cessez-le-feu alors lancé n’a guère été suivi d’effet sur le terrain, il a tout de même ouvert la voie à une dynamique de dialogue.
Avec ces nouveaux pourparlers, Doha entend capitaliser sur son image de médiateur neutre, fort d’une diplomatie patiente et d’un carnet d’adresses bien fourni. Ce rôle s’inscrit dans une stratégie d’influence régionale assumée par l’émirat, déjà actif dans la résolution de conflits au Darfour ou en Afghanistan.
Des exigences bien distinctes
La délégation congolaise, composée d’officiers du renseignement et d’experts militaires, est arrivée avec une feuille de route claire : obtenir le retrait des troupes du M23 des zones occupées, imposer un cessez-le-feu durable, et poser les bases d’un désarmement. En filigrane, la question du rôle du Rwanda dans la crise reste centrale, même si Kigali n’est pas officiellement représenté à cette première session.
En face, le M23, sous la houlette de Bertrand Bisimwa, souhaite faire entendre ses revendications : meilleure représentativité des Tutsis congolais dans les institutions, réintégration dans l’armée et garanties de sécurité pour ses membres. Le groupe rebelle reste méfiant, encore marqué par l’échec des négociations de 2024 à Kampala, qui s’étaient conclues sans suivi concret de la part de Kinshasa.
Une paix fragile, une attente immense
À Goma, Bukavu et dans les localités rurales, la population suit ces développements avec un mélange d’espoir et de scepticisme. Plus de sept millions de déplacés ont été recensés depuis le début du conflit, les infrastructures sont à l’arrêt, et les services de base manquent cruellement. « Nous ne voulons plus de promesses, seulement que les armes se taisent », souffle une habitante de Sake, déplacée pour la troisième fois en six mois.
Sur le terrain, quelques signes positifs émergent : le M23 a annoncé son retrait partiel de Walikale, présenté comme un geste d’ouverture. Mais sans un engagement clair du Rwanda et un mécanisme international de suivi, toute avancée risque de rester symbolique.
L’avenir d’un conflit régionalisé
Au-delà de la seule RDC, c’est toute la région des Grands Lacs qui observe Doha avec attention. Une paix durable à l’est du Congo ne saurait être obtenue sans une désescalade entre Kinshasa et Kigali, ni sans une implication concertée des États voisins, de l’Union africaine et des Nations unies.
La médiation qatarie, si elle aboutit à un accord, marquerait un tournant non seulement pour le conflit congolais, mais aussi pour le rôle croissant de Doha sur le continent africain. En attendant, la balle est désormais dans le camp des négociateurs.
La Rédaction