Kinshasa sous les eaux: Des pluies diluviennes font des morts et paralysent la ville

Du 4 au 6 avril 2025, de violentes intempéries ont une nouvelle fois mis la capitale congolaise à genoux. Inondations, pertes humaines, coupures de routes : Kinshasa paie, au prix fort, les errements d’une urbanisation mal maîtrisée et l’indifférence face aux alertes climatiques.

Le spectacle est tristement familier : rues submergées, maisons effondrées, familles déplacées. Entre le 4 et le 6 avril, Kinshasa a renoué avec la tragédie. De nouvelles pluies diluviennes, tombées en pleine saison des pluies, ont frappé la mégapole de plus de 17 millions d’habitants, plongeant plusieurs de ses communes dans le chaos. Comme souvent, les plus vulnérables paient le plus lourd tribut.

Une ville à bout de souffle

À Mont-Ngafula et Ngaliema, perchées sur des terrains escarpés, les glissements de terrain ont fait plusieurs victimes. À Milenium/Mitendi, trois enfants d’une même famille ont été emportés par les eaux, selon des témoignages relayés sur les réseaux sociaux. Le boulevard Lumumba, noyé par les débordements de la rivière N’Djili, est devenu impraticable, isolant toute une partie de la ville.

Les images, partagées en boucle sur les réseaux sociaux, parlent d’elles-mêmes : véhicules engloutis, routes effondrées, habitants désespérés tentant de sauver ce qu’ils peuvent. Une scène de désolation qui rappelle les inondations meurtrières de décembre 2022, qui avaient fait 169 morts, et celles d’octobre 2024, tout aussi destructrices.

Les racines du mal

Les causes sont connues. Une urbanisation galopante et anarchique, des constructions illégales sur les lits de rivières, des caniveaux obstrués par des déchets, et l’absence chronique de curage des cours d’eau. Kinshasa est une ville en sursis, où chaque averse peut devenir une menace mortelle.

Mais au-delà de la responsabilité locale, le facteur climatique n’est pas à négliger. Le président Félix Tshisekedi l’avait déjà souligné lors de la COP27 : les pays africains comme la RDC subissent les effets du changement climatique sans en être les principaux responsables, et reçoivent peu de soutien international pour y faire face.

Réaction sous pression

Sous le feu des critiques, les autorités n’ont pas tardé à réagir. Le gouverneur de Kinshasa, Daniel Bumba Lubaki, a mobilisé ses équipes dès le samedi 5 avril. Le ministre provincial de la Santé, le Dr Patricien Gongo Abakazi, s’est rendu sur les sites sinistrés pour un premier état des lieux. Une réunion de crise a également été convoquée par le ministre de l’Intérieur, Jacquemain Shabani, en présence du gouverneur.

Des travaux de réhabilitation ont été engagés en urgence sur la RN1, où une bande de circulation a pu être rouverte. La Société nationale d’électricité (SNEL) tente de sécuriser ses installations, tandis que la Régideso travaille à rétablir l’alimentation en eau dans les zones affectées.

Mais au-delà de ces mesures immédiates, le gouverneur Daniel Bumba reconnaît la profondeur du problème : « Ce sont des catastrophes naturelles, mais nous devons tirer les leçons. Beaucoup de maisons ont été construites dans des zones interdites. L’État devra intervenir. »

Le bilan humain et matériel est encore en cours d’évaluation. L’autorité urbaine a dénoncé les constructions anarchiques dans les zones interdites (non aedificandi) et appelle à l’ordre : « Organisez-vous pour libérer ces zones, ou l’État le fera.»

Un drame récurrent, une réponse insuffisante

Sur le terrain, la détresse est palpable. Des familles ayant tout perdu dorment dans des stations-service ou chez des proches. L’aide humanitaire, encore timide, tarde à se déployer à grande échelle.

En octobre dernier, un plan d’urgence avait été annoncé après de précédentes inondations, promettant curage, évacuations et construction de drains. Mais comme souvent, les promesses se sont heurtées aux lenteurs administratives et au manque de financement.

Appel à un sursaut

Face à l’intensification des catastrophes climatiques, Kinshasa ne peut plus se contenter d’une gestion réactive. C’est d’une stratégie urbaine de long terme dont la capitale a besoin — curage systématique, planification des constructions, systèmes de drainage modernes et éducation communautaire.

Sans quoi, la prochaine averse viendra simplement écrire un nouveau chapitre d’une chronique de la catastrophe annoncée.

 

La Rédaction

Partagez cette information avec vos ami(e)s

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *