Crise RDC-Rwanda : l’Union africaine mise sur Faure Gnassingbé pour relancer la médiation

Dans un contexte de tensions croissantes dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), l’Union africaine a désigné, le 13 avril 2025, le président togolais Faure Essozimna Gnassingbé comme nouveau médiateur dans le conflit qui oppose Kinshasa à Kigali. Une nomination qui intervient alors que le processus initié par l’Angola semble à bout de souffle.

Un passage de témoin stratégique

Faure Gnassingbé succède à son homologue angolais João Lourenço, qui avait hérité du rôle de médiateur en 2022. À la tête de la présidence tournante de l’UA depuis février 2025, Lourenço a décidé de se retirer de ce dossier brûlant, non sans avoir tenté de rapprocher les positions congolaises et rwandaises à travers le Processus de Luanda. Mais entre l’annulation du sommet de décembre 2024 entre Félix Tshisekedi et Paul Kagame, et l’absence persistante de dialogue avec le M23, les résultats sont restés en deçà des attentes.

 

Face à l’impasse, l’UA a opté pour un changement de cap. En choisissant le président togolais, réputé pour sa discrétion et son entregent diplomatique en Afrique de l’Ouest, l’organisation continentale espère redynamiser les efforts de médiation.

 

Une équation délicate

 

La mission de Faure Gnassingbé ne sera pas simple. Depuis la résurgence du M23 en 2021, l’est congolais est en proie à une insécurité chronique. En 2025, les rebelles ont même brièvement occupé les villes stratégiques de Goma et Bukavu, accentuant la pression sur les autorités congolaises, qui accusent ouvertement le Rwanda de soutenir ces groupes armés — des accusations que Kigali rejette en bloc.

 

Dans ce climat de méfiance généralisée, le nouveau médiateur devra d’abord restaurer la confiance. Son profil — moins clivant que celui de certains dirigeants régionaux — pourrait jouer en sa faveur. Mais encore faudra-t-il convaincre les deux capitales de s’asseoir à la même table, sans conditions préalables.

 

Coordination diplomatique et réalignement stratégique

 

Autre enjeu pour le président togolais : l’harmonisation des initiatives régionales. Jusqu’ici, deux processus concurrents ont coexisté — celui de Luanda, piloté par l’Angola, et celui de Nairobi, conduit par la Communauté d’Afrique de l’Est (EAC). En mars 2025, un sommet conjoint EAC-SADC a recommandé leur fusion, mais sa mise en œuvre reste embryonnaire.

 

S’ajoutent à cela d’autres acteurs externes, comme le Qatar, qui a récemment organisé une rencontre à Doha entre Tshisekedi, Kagame et l’émir Cheikh Tamim Al-Thani. Une diplomatie parallèle que Faure Gnassingbé devra intégrer sans brouiller les pistes.

 

Pour l’épauler, l’UA a également réactivé un groupe de facilitateurs de haut niveau, composé des anciens présidents Uhuru Kenyatta (Kenya), Olusegun Obasanjo (Nigeria) et Hailemariam Desalegn (Éthiopie). Leur première réunion, tenue début avril, vise à construire une approche commune.

Un test pour Lomé

Pour Faure Gnassingbé, cette médiation représente un défi inédit à l’échelle continentale. Habitué aux missions de bons offices dans la sous-région ouest-africaine, il devra cette fois composer avec une crise à multiples facettes, mêlant rivalités ethniques, enjeux miniers et luttes d’influence régionales.

S’il parvient à faire avancer les lignes, même timidement, Lomé pourrait s’imposer comme un nouveau centre de gravité diplomatique sur le continent. Mais l’échec, lui, risquerait de renforcer le fatalisme ambiant autour d’un conflit qui s’enlise depuis trop longtemps.

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